JULIE DELVALLÉE |
DOSSIER, LSA COMMERCE CONNECTÉ, CASINO
PUBLIÉ LE 04/06/2021

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DOSSIER Les magasins de proximité se transforment à toute vitesse, poussés par les évolutions digitales, mais aussi par de nouveaux acteurs. Le point sur les pistes à bien appréhender, des services complémentaires jusqu’aux formats concurrents.

Nouveaux services, nouveaux usages, nouveaux formats, nouveaux acteurs : le digital chamboule – aussi – les commerces de proximité. Il faut dire que leur paysage s’est profondément transformé en quelques années. Depuis les premières supérettes autonomes Yatoopartoo apparues dans les années 2000, la mutation s’est nettement accélérée et a fait émerger de multiples propositions pour les clients : magasins autonomes ouverts 24 heures sur 24, drives piéton, click & collect, vente sur mobile et, à présent, dark stores, sans clients, des start-up de la livraison ultrarapide… Les magasins de proximité doivent se réinventer et composer avec d’autres concurrents. « Alibaba a créé la nouvelle proximité digitale. Avec ses systèmes d’information fournis gracieusement aux petits magasins indépendants en Chine, ceux-ci ont digitalisé l’encaissement, le paiement, se sont mis au CRM local et sont devenus des points de réception de la marketplace », analyse Laurent Thoumine, directeur exécutif chez Accenture, responsable de la branche retail pour l’Europe.

En France, cette tendance se traduit par l’arrivée de services numériques qui révolutionnent le traitement du commerce. Le bon sens commerçant est désormais musclé par une batterie d’outils optimisant l’assortiment, le trafic, les commandes, les promotions, etc. En plus de ces évolutions B to B, les magasins de proximité sont un atout précieux pour asseoir le virage des ventes en ligne entrepris par les enseignes alimentaires et deviennent un chantier prioritaire : « L’e-commerce de Franprix a plus que doublé en 2020, et on vise fois 10 d’ici à la fin 2022 », précise Laurent Rapoport, directeur marketing et digital de l’enseigne urbaine Franprix du groupe Casino. Leur nombre – plus de 10 000 en France – et leurs implantations font de ces magasins des points relais précieux aux commandes alimentaires en ligne. Mais comment y intégrer l’e-commerce : par du click & collect avec un comptoir dédié, façon MyAuchan ? En organisant des réserves plus importantes pour réceptionner et livrer des flux plus importants comme s’y essaie Franprix à Paris ?

Des magasins « e-commerce first »

Autre possibilité : certains magasins de proximité pivotent et misent sur la vente en ligne avec des magasins de réception qui apportent aux clients la diversité de l’offre et un pricing plus attractif, à l’instar des drives piéton. Ce créneau, encore modeste en termes de chiffre d’affaires, fait l’objet de tests chez les distributeurs, qui le développent parfois en format « solo », comme les E. LeclercRelais (plus de 60 à date) ou une dizaine de drives piéton Carrefour. D’autres l’accompagnent d’une offre de dépannage, ou avec du frais comme Monoprix, Cora, Intermarché Relais et Auchan. Si ce circuit ne pèse que quelques centaines de millions, il constitue un axe de développement important : « Carrefour veut devenir le premier réseau e-commerce de France, ambitionne Emma Borie, directrice e-commerce drive de Carrefour, qui a détaillé son plan de bataille à l’occasion de la journée drive piéton organisée par LSA le 24 mars dernier. Cela va se traduire par environ 500 ouvertures de points de retrait, mais nous ne sommes pas monomaniaques du drive piéton. Il fait partie de nos solutions e-commerce au même titre que la livraison express, à domicile ou que notre partenariat avec Uber Eats… »

Mariages forcés

Le simple fait que Carrefour mentionne l’appli d’origine américaine traduit bien ce tournant : « Les distributeurs français, habitués à se développer seuls, doivent collaborer avec des sociétés fondées sur les technologies. Ils ne maîtrisent plus la chaîne de la fourche à la fourchette », pointe Grégoire Kaufman, senior advisor au sein du cabinet de conseil Kearney. En 2020, Carrefour s’est associé à Uber Eats quand Casino a scellé un accord avec Deliveroo. Depuis, les deux mastodontes de la proximité proposent chacun leur offre sur les deux plateformes de livraison rapide. Si tout le monde se réjouit de ces mariages sans exclusivité, difficile de savoir si l’équation économique permet de dégager des marges satisfaisantes étant donné les commissions imposées par ces plateformes. Mais le service est tel qu’il est difficile de ne pas être présent sur ces applications mobiles… Les experts estiment que demain, les magasins de proximité devront se marier avec les acteurs de la livraison collaborative, tel l’italien Everli, à Lyon, qui propose aux mobinautes de leur faire leurs courses et de les livrer à domicile. Et pourquoi pas « piquer » leurs points forts : « Les acteurs traditionnels de la proxi doivent proposer plus de services. Des facilités de paiement, des systèmes d’abonnement pour récompenser la fréquence de visites, et pas que les ventes… », égraine Grégoire Kaufman.

Le digital engendre aussi une nouvelle concurrence : les jeunes pousses, créées sur un système de mini-entrepôts urbains (dark stores) avec leur propre offre, proposent à Paris la livraison de courses en moins de quinze minutes. Ces Gorillas, Cajoo et Dija verront bientôt arriver d’autres acteurs. « Il ne faut pas oublier l’évolution possible d’acteurs traditionnels, des chaînes de surgelés pourraient aussi proposer leur drive piéton », imagine Laurent Thoumine d’Accenture. Une extension du domaine de la lutte qui pousse les magasins de proximité à l’excellence, et à la réactivité. LSA vous propose de découvrir ce virage digital vers une proxi 3.0 à travers 7 exemples récents.

La digitalisation de la proxi s’emballe

• 2014 / Rue Saint-Charles, à Paris, Auchan propose un nouveau service, Auchan Drive : des casiers où les clients peuvent retirer leurs achats trois heures après avoir passé commande.
• 2016 / Création d’Epicery, marketplace locale proposant en ligne les produits de commerces de bouche livrés à domicile.
• Quelques Intermarché Express proposent le retrait des commandes drive 24 heures/24 et 7 jours/7 via un système de casiers.
• 1er avril 2017 / Premier drive piéton lancé par l’adhérent E. Leclerc Thomas Pocher, à Lille (59).
• Juin 2017 / Franprix lance son m-commerce, une application mobile dédiée pour son activité e-commerce.
• Novembre 2017 / Ouverture du premier magasin 100 % automatisé, Ximiti, dans la périphérie de Grenoble (38).

• Septembre 2018 / Intermarché ouvre à Paris, boulevard Saint-Michel, un drive piéton proposant uniquement de retirer ses courses dans un casier.

• Janvier 2019 / Lancement d’E. Leclerc Relais à Paris (17e), l’enseigne de drive piéton du 1er distributeur français.
• Mars 2019 / Le magasin autonome et sans personnel Auchan Minute, déployé depuis 2017 en Chine, arrive en France au siège de Villeneuve-d’Ascq (59).

• Avril 2020 / Carrefour s’associe à Uber Eats pour la livraison de courses via l’appli en trente minutes.
• Mai 2020 / Casino signe un partenariat avec Deliveroo pour des commandes en ligne livrées en trente minutes maximum.
• Août 2020 / Premier drive piéton robotisé de Carrefour, à Paris (14e).

• Février 2021 / Cajoo, le premier dark store français, ouvre à Paris. Sa promesse : la livraison de courses commandées sur mobile en quinze minutes.
• Avril 2021 / La start-up Gorillas arrive à Paris (Bastille) avec la même promesse, et une livraison en dix minutes, comme son concurrent Dija, implanté aussi à Paris depuis le 22 avril