LR A LA HUNE – 13 février 2021 – Mathieu DELAGARDE
Les premières épiceries entièrement automatisées de Charente-Maritime. L’enseigne Ximiti, qui développe en France des épiceries robotisées ouvertes 24h/ 24 et 7 jours sur 7, vient d’ouvrir deux boutiques aux Minimes et boulevard Sautel. Une révolution dans le monde du commerce de proximité.
Guillaume Bonin, à l’origine des deux épiceries automatisées Ximiti de La Rochelle, possède une longue expérience dans la grande distribution.
L’épicerie est en fait une immense chambre froide (3°) dans laquelle un robot récupère les commandes des clients Vue de l’extérieur, la vitrine de Ximiti des Minimes rappelle, en version XXL, les distributeurs automatiques de boissons et de sandwichs, le choix en plus. Ce n’est pourtant que la partie visible de l’iceberg : lorsque le client passe commande sur la borne tactile, le choix est le même que celui d’une épicerie classique, avec près de 600 références !
Pour mieux comprendre, il faut se rendre dans l’arrière-boutique, qui prend la forme d’une immense chambre froide (3°) avec des dizaines de rayonnages et des milliers de produits, tirés au cordeau. Au cœur de ce dispositif, un robot réalise des va-et-vient, collectant un à un les produits commandés par le client sur la borne côté rue, avant de les déposer sur un tapis roulant. Une fois la commande réglée, une trappe s’ouvre et le client n’a plus qu’à récupérer ses courses ! Pour les adeptes de l’échange avec le commerçant de proximité, on repassera…
Bienvenue dans l’épicerie du XXIe siècle, la seconde à voir le jour en Charente-Maritime !
La première avait été ouverte quelques mois plus tôt, également à La Rochelle (boulevard Sautel) par le même entrepreneur. Dans le monde du commerce alimentaire, Guillaume Bonin n’est pas un perdreau de l’année. Dès 1998, ce Tourangeau d’origine effectue son BTS action commerciale au magasin Continent de Tours, enseigne d’hypermarchés qui passera deux ans plus tard dans le giron de Carrefour.
Pendant quasiment vingt ans, il gravit les échelons un à un, n’hésitant pas à parcourir la France pour enrichir son CV. Chef de rayon « alimentaire » à Tours, Limoges, Bourg-en-Bresse et Toulon, Guillaume Bonin devient en 2013 responsable régional des rayons non alimentaires (téléphonie, multimédia, son etc) de Carrefour, d’abord en Normandie puis à Aix-en-Provence. Avec seize magasins à gérer, travaillant à un rythme de 50 à 70 heures par semaine, la vie de famille devient de plus en plus compliquée. « Ma femme travaillait également à Carrefour, nous étions sur la route en permanence. Lorsqu’elle est tombée enceinte, nous avons compris que nous n’aurions pas de disponibilités pour voir grandir notre enfant », confie le jeune entrepreneur.
Tout, tout de suite et à toute heure
Il aimerait bien se mettre à son compte, mais le secteur du commerce alimentaire, ultra concurrentiel, n’offre que très peu de possibilités.
Un reportage, diffusé sur la chaîne C8, va changer la donne : une jeune entreprise, Neovendis, commence à implanter en France des épiceries Ximiti 2.0, entièrement automatisées et ouvertes 24h/24. « Le siège social étant situé juste à côté de chez nous, à Aubagne, nous sommes allés les rencontrer ».
Pour Ximiti, qui cherche des franchisés pour étendre ses magasins entièrement automatisées dans l’Hexagone, Guillaume Bonin et sa compagne Sabrina ont un profil digne de confiance, grâce à leurs parcours chez Carrefour. « J’ai vite compris le potentiel de cette enseigne. Ils avaient une vision du commerce de demain, où les clients veulent tout, tout de suite, et à n’importe quelle heure », confie Guillaume Bonin. Le couple n’hésite pas longtemps, d’autant que Carrefour lance à la même époque un plan de départs volontaires avec une prime de départ.
Pour ouvrir un magasin Ximiti, il faut investir 150 000 à 200 000 euros (en fonction de la taille du magasin) et reverser 3 % du chiffre d’affaires, avec un retour sur investissement au bout de sept ans. Ximiti fournit en échange la boutique clé en main, composée de la vitrine, d’un grand écran tactile pour passer les commandes et régler ses achats, de la chambre froide, du robot développé par les ingénieurs de Neovendis, d’un système de caméras et de surveillance des stocks à distance et d’une application mobile pour commander depuis son smartphone. « Toute la complexité, c’est de trouver un local, et un endroit stratégique. Il ne fallait pas se louper ! », explique Guillaume Bonin.
Son choix de première implantation se porte sur le boulevard Sautel, qui, en raison de son caractère passant, lui offre une visibilité et un énorme potentiel d’automobilistes pouvant stationner facilement pour faire du « stop and go ».
La proximité de l’hôpital, plus gros employeur de la ville, n’est pas totalement innocente. « Le personnel soignant a des horaires décalés. On peut ainsi capter tous ceux qui, en rentrant tard le soir ou la nuit chez eux, sont contents de trouver un commerce ouvert ».
Peur de la Covid
Pour sa deuxième épicerie, l’entrepreneur a donc opté pour les Minimes, misant sur la forte présence étudiante, une population jeune et à l’aise avec les nouvelles technologies.
L’ouverture le 20 novembre, au moment du deuxième confinement, a eu deux effets assez contradictoires : avec l’arrêt ou la limitation des cours d’université en présentiel, beaucoup d’étudiants avaient déserté la ville. Par contre, certaines personnes du quartier, soucieuses de limiter les risques de contamination dans les commerces traditionnels, ont adopté ce système de courses « sans contact » humain. Comme le système des drive de la grande distribution, une application permet de constituer son panier depuis son domicile : il n’y a plus qu’à présenter la référence de la commande à la borne puis retirer sa commande.
Quant au couvre-feu, il a privé le nouveau commerce de toute une clientèle de noctambules ou de couche-tard, mais a permis à beaucoup de personnes travaillant la nuit de venir s’approvisionner en dehors des heures du couvre-feu. « Et puis quand on s’aperçoit à 18h30 qu’on a plus de couches-culottes pour le bébé, ça peut vraiment dépanner… »
Mathieu Delagarde
Un système de distribution assez « souple »
Chaque gérant a la possibilité de recourir à son propre système de distribution, à l’exclusion bien-sûr des produits de marques « distributeur ».
A la Rochelle, Guillaume Bonin est approvisionné par un grossiste local très en vue. Cela ne l’empêche pas de proposer des produits locaux, à l’image de ce petit producteur vendéen qui lui fournit des bocaux de plats préparés (lasagnes maison, parmentier etc), très appréciés par les employés de bureau. Un micro-ondes a même été installé en façade du magasin pour leur permettre de réchauffer leur plat. Inconvénient majeur : Ximiti n’est pas autorisé à vendre de l’alcool , pour la simple et bonne raison qu’il ne peut pas contrôler l’âge des clients. Quant aux prix, ils sont globalement identiques à ceux pratiqués dans la grande distribution.